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vendredi 30 janvier 2015

Eric Reinhardt: L'AMOUR ET LES FORETS


Prix Renaudot des Lycéens, prix roman France Télévision, ce roman est sorti en juin 2014.
Ce qu'en dit la presse:
"L'amour et les forêts est une descente aux enfers que l'auteur conte par le menu. Un morceau de bravoure, un récit puissant, Frédérique ROUSSEL.  Libération
"Eric Reinhardt se révèle bouleversant arpenteur des douleurs de l'esprit", Fabienne Pascaut, Télérama

Ce roman , mais est-il un roman?
On dirait le témoignage, écrit par un auteur et publié post mortem, d'une femme victime, comme tant de femmes, hélas, de la perversité d'un conjoint malade, qui a mis en place un lent et inexorable processus de destruction.

L'auteur, se rend à un rendez-vous avec une lectrice après avoir reçu d'elle deux intéressantes  pages de commentaires personnels sur son dernier livre.
Petit à petit, Bénédicte Ombredanne, va se révéler et le faire témoin de sa vie.
A la terrasse d'un café, elle lui raconte sa folle journée de rébellion, deux ans plus tôt, et sa descente aux enfers qui a suivi, aux côtés d'un mari pervers.
L'écriture est sublime, et l'auteur réussit à nous accrocher, malgré la pesanteur des trente premières pages, d'un bloc, parfois lourdes à soutenir...mais l'auteur est devant nous attablé face à Bénédicte Ombredanne, on est derrière lui, tel un spectateur fantômatique qu'il n'ignore pas, et il réussit à se laisser glisser, de sa chaise, petit à petit pour nous laisser, imperceptiblement prendre sa place. De spectateur invisible, derrière la vitre sans tain, il s'efface devant la présence curieuse du  lecteur.Petit à petit,  on oublie l'auteur et le narrateur qui recueille le récit de cette femme. A un moment, on ne sait plus qui parle. Ce n'est plus lui, à la première personne, masculin singulier, c'est elle, féminine, singulière, et on remonte les pages pour savoir à quel moment il a réussi cette prouesse, de nous embarquer avec lui, sur sa chaise, à cette table de café. Et est ce que ce n'est pas une perfidie? Comme on se le demande pour Bénédicte Ombredanne.
Quelle perfidie de ne pas permettre qu'on lâche cette histoire, poignante, enivrante, terrifiante, angoissante, jusqu'au bout. Jusqu'au bout, avec lui, nous, allons participer à cette lente et inexorable destruction .
Combien de femmes ont raconté leurs calvaires avec des maris destructeurs, et ce roman, n'en semble pas un, tellement ces vies de femmes ont le même point commun.
  Néanmoins, Bénédicte Ombredanne, qui, en apparence ne parvient pas à échapper aux perfidies lancinantes et de plus en plus destructrices de son malade de mari, trouve le moyen d'exister  en son rêve, son imaginaire, ce qui est plus fort que la réalité dévastratrice et dont elle sait qu'elle ne finira qu'avec sa mort.

Dans la seconde partie du récit, Eric Reinhardt prète au roman  une couverture plus psychanalytique des personnages: le vécu de chacun est passé au divan, et à cet endroit, encore, Eric Reinhardt échange les places: c'est pourtant lui qui est allongé sur celui de l'esthéticienne, alors que c'est elle qui raconte. Nous qui écoutons, lui qui se relève, elle qui se penche, l'importance des places est à  prendre en compte.
On remarquera, aussi, que l'auteur ne nomme jamais son héroïne autrement que Bénédicte Ombredanne.
On peut s'interroger sur ce choix. Respectant, de ce fait, son choix à elle d'être femme mariée, en la nommant sous son identité civile, sous prétexte de la montrer entière, souligne, en réalité, la révélation  que cet état  n'est que  la partie visible de sa personne. Alors, choisir de nous donner  le récit de ses fantasmes, de son amour et de ses forêts, les plus sombres comme les plus féeriques, la restitue complètement, elle-même, dans ce qu'elle a de plus profond, n'est-ce pas l'empêcher de mourir?

Eric Reinhardt, qui se met en scène, en tant qu'auteur, ponctue sur la place essentielle de l'imaginaire dans nos vies et dans la rébellion possible quand le quotidien ne permet aucune évasion.
C'est donc, finalement, la révélation  post mortem du récit de Bénédicte Ombredanne qui la rend plus vivante.

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