Deux de quatre soeurs, propriétaires agraires, ont été assassinées.
Luciana Castellina, journaliste, écrivaine, nous livre le résultat de recherches historiques sur cet évènement.
Celà se passe dans le Sud de l'Italie, la province des Pouilles où règne une misère épouvantable.
Lors d'un rassemblement, politique, un coup de feu est tiré depuis le palazzo de la famille Porro.
La foule, poussée par la famine, l'injustice,la haine, se rue sur cette demeure et tue deux des quatre riches soeurs.
Comment en est-on arrivé là?
Luciana Castellina, en une soixantaine de pages bien documentées, retrace l'histoire de la population de cette province qui a vu arriver des réfugiés de tous horizons en 1943. D'abord les soldats qu'on a oublié de démobiliser, qui débarquent à Syracuse et remontent dans leurs familles où ils rencontrent l'incompréhension.
La dissolution du mouvement fasciste, l'absence de gouvernement , l'apparition du communisme installent une situation très particulière.
Luciana Castellina remonte plus loin encore, dans les années 1920 et même avant, quand , à la fin du 19e les employés agricoles, des journaliers, se vendaient pour le pain de la famille, travaillaient dans les vignes avec une muselière pour qu'ils ne mangent pas le raisin. En début de xxieme siècle leur condition n'a guère évolué. Rien ne leur appartient, même pas leurs enfants, embauchés à six ans, nourris d'herbes bouillies dans l'eau, malades comme eux et considérés comme du bétail.
Réduits à une telle misère, analphabètes, ils ne craignent rien en cette après-guerre, car n'ayant rien à perdre. Ils n'hésitent pas à s'opposer à la police, au préfet et tout pouvoir en face qui les menace.
Lucian Castellina nous donne à lire une histoire de l'Italie bien inconnue du grand public.
Le procès des centaines de coupables a duré jusqu'à huit ans. Mais sans véritable satisfaction de justice.
La rencontre de l'auteur avec une autre écrivaine, italienne, Milena Agus a donné un livre en deux temps: l'histoire et le roman.
Comment ces quatre soeurs innocentes, qui ne "savaient même pas pourquoi elles étaient riches", victimes aussi de leur éducation, de leur vie pas très heureuse a nécessité le besoin de créer de la lumière dans les zônes d'ombre de cette tragédie? A la faveur, d'une histoire romancée, mais composée d'éléments connus, de l'époque, Milena Agus a tenté d'apporter un complément.
La fin de la partie écrite par Luciana Castellina fait allusion au 8 mars 1946 qui était la journée de la fête des femmes; mais les évènements éclatent avant, le 7mars 1946. On pourrait penser que la parution de cet ouvrage dans les mêmes dates, quelques soixante dix ans après, veut parler de ces femmes victimes de tous temps, et de tous lieux, de la manière dont on les éduque.
Le roman est traduit par Marianne Faurobert.
L'histoire est traduite par Marguerite Pozzoli.
La partie Roman est très intéressante, dans la mesure où l'auteur, bien documenté, se positionnant comme le narrateur, dans la peau de l'amie des soeurs Porro, nous fait toucher du doigt la condition féminine de cette période.
Principalement celle des filles de la bourgeoisie agricole, est développée, puisque les deux victimes de cette histoire, sont deux de quatre filles de propriétaires agraires.
Pétries de morale religieuse. qui ne pouvait que les mener aux postes de victimes, le lecteur les découvre à travers l'écriture et la traduction de ce roman riche de détails comme leur demeure, sombre comme leurs pièces à vivre, austère comme leurs postures, d'une qualité à l'image des tissus dont sont faits leurs vêtements, et à la fois bienveillante comme leur imperturbable charité.
La narratrice nous porte à connaître l'esprit de révolte qui ne peut qu'exister de manière contenue, couvée dans l'esprit des filles sacrifiées à une vision têtue du cloisonnement social.
En ce sens, il complète très bien la partie historique de l'événement.
Réciproquement quel serait l'intérêt du roman sans la précision historique des événements qui donnent toute leur grandeur à la position des personnages.
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